vendredi 4 décembre 2009

L'Administration Française est Formidable...

Ah, l’administration française… Comme nombre de mes compatriotes, je la soupçonne d’être l’inspiration derrière des œuvres comme Brazil de Terry Gilliam ou la plupart des écrits de Kafka.
Dans très peu d’autres endroits dans le monde vous trouverez un système complexifié au possible où personne ne s’y retrouve, surtout pas les citoyens, encore moins son personnel. Sauf ceux qui ont embrassé le système au point où, comme celui-ci, leur logique interne n’a plus aucun rapport avec le sens commun et la réalité du monde en dehors de ses bureaux.
Je commence à croire que même la bureaucratie soviétique, au plus fort de ses aberrations avait plus de logique et de pragmatisme que l’administration française d’aujourd’hui.
Les Français sont champions dans la conception d’usines à gaz dès qu’il s’agit d’organiser le fonctionnement d’un système quel qu’il soit. Mais le résultat, quand ce système est le fruit de plusieurs décennies de technocrates passés les uns après les autres pour apporter leur usine à gaz et la rajouter à la grande usine à gaz nationale est un monstre que même les auteurs de fiction les plus imaginatifs ou aux esprits les plus malades n’oseraient imaginer.

Les anecdotes que je vais vous compter ici ont trait à la Sécurité Sociale, mais loin de moi l’idée de vouloir ostraciser cette institution très recommandable, c’est juste qu’elle est victime des mêmes travers ubuesques que ses consœurs, peut-être même encore plus puisque de toutes, c’est certainement celle qui touche tous les habitants du pays.

康代 est salariée en France depuis septembre 2008. Pourtant vers le mois de mars 2009, je commençais à m’inquiéter du fait qu’elle n’avait toujours pas reçu aucun papier en provenance de la Sécurité Sociale, quant à son immatriculation. Mais je me souvenais aussi que quelque temps auparavant, ma colocataire australienne avait reçu ses papiers et sa Carte Vitale environ 10 mois après avoir commencé à travailler.
C’est d’ailleurs la réponse que je reçus après un coup de fil à la Sécu : ça prenait du temps, c’était normal qu’elle n’ai encore rien reçu.

Soit.

En mai, toujours rien. Et là, ça commençait à devenir problématique, vu que son assurance japonaise arrivait à expiration. Nul besoin de la renouveler puisqu’elle avait droit à la Sécu française, n’est-ce pas ?
Donc je pris le taureau par les cornes et après un deuxième coup de fil, je décidai d’envoyer une demande d’immatriculation avec tous les papiers qui vont bien. Je dois avouer –surprise- que mes interlocuteurs au téléphone étaient sympathiques et visiblement compétents.

Juin. Rien.

Juillet. Je reçois une lettre m’informant qu’il manquait un document à son dossier. Sauf que ledit document avait bien été inclus dans le dossier.
Je réponds ceci par une lettre et attends une réponse.
Pourquoi une lettre ?
Parce que voyez-vous (mais vous le savez déjà certainement), il est depuis quelques années impossible de téléphoner à sa CPAM directement, on doit passer par un numéro national, où les gens sont certes sympathiques et visiblement compétents, mais les gens sont qui sait où en France et n’ont pas accès aux éléments physiques de votre dossier, seulement ce qui est dans leur ordinateur.
Et quand il y a rien dans l’ordinateur, parce que le dossier informatique n’a pas été créé parce que soi-disant il manque une pièce au dossier, comment on fait ?
Fin Juillet, début Août. Rien. Pas de réponse.

Fin Août, je fais donc directement à la CPAM traitant le dossier de 康代 pour voir de quoi il en retourne.
Pour faire la queue, c’est amusant, mais il faut mettre sa Carte Vitale dans une machine qui vous donnera un ticket.

Et si on a pas de Carte Vitale ?
Tiens, un jour, il faudra que je vous raconte mon parcours pour avoir une Carte Vitale, étant à l’étranger quand celles-ci furent mises en place, et de voir les réactions de certaines personnes quand je leur annonçais que oui j’étais français, de naissance, de parents français, droit du sol, du sang, de tout ce que vous voulez et que je n’avais pas de Carte Vitale. La première réaction était toujours « c’est pas possible ! » ou « vous l’avez perdue ? » ou autres trucs du genre… Et le cinéma que ce fut pour en obtenir une…

Où en étais-je ?
Ah oui.
« Et si on a pas de Carte Vitale ? »

En fait, il faut appuyer sur un bouton pas du tout évident, et pas du tout signalé.

Soit.

Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons face à la guichetière à qui j’expose la situation.
Devinez quelle fut sa réaction…
Celle-ci : « Ah moi, je suis pas au courant, je ne connais pas le dossier ! »
Se fichait-elle de moi ?
Je crois bien que oui et il fallait certainement comprendre « Ouhla, ça a l’air compliqué cette histoire, si j’y mets de la mauvaise volonté, peut-être partiront-ils. »

Bref, comme d’habitude, la personne bossant en contact avec le public estime que les problèmes du public ne sont pas leur problème et estiment n’être pas là pour les aider.

Dans ce cas, ce que je fais en général, c’est de devenir leur problème et essayer de leur donner la motivation pour le régler ce problème. Le tout très poliment, les comportements agressifs ne marchent pas dans ces cas-là, il serait d’ailleurs temps que les Parisiens le comprennent un jour.

Donc je me suis ostensiblement installé confortablement dans le fauteuil sur lequel j’étais assis, pour lui faire comprendre que j’étais prêt à rester là aussi longtemps que nécessaire, j’étais pas pressé.
Et de lui annoncer :
« Si vous ne connaissez pas le dossier, je veux parler à la personne qui le connait alors.
-Ah mais non, ça c’est pas possible ça, et puis de toutes façons, je ne sais pas qui c’est.
-Mais moi si, elle m’a donné son nom dans sa lettre.
-Ah mais non, on peut pas faire comme ça.
-Comment on peut faire alors ? »

Ainsi de suite pendant une minute ou deux, toujours poli, toujours cordial, mais n’acceptant aucune de ses dénégations et m’installant toujours plus confortablement dans ma chaise.

Jusqu’à ce qu’elle se lève, revienne une minute plus tard avec le dossier de 康代 dans lequel il y avait tous les documents demandés, y compris celui en question dans la lettre.
Étrangement, alors que notre conversation avançait, elle devenait aussi de plus en plus gentille, jusqu’à écrire une note sur le dossier histoire qu’il soit traité en urgence.

Quinze jours plus tard (en urgence selon les critères de l’administration donc), 康代 avait un numéro de Sécurité Sociale.

Tout et bien qui finit bien donc ?
Oh, oh, ne vous précipitez pas, il restait à faire faire la Carte Vitale…

(à suivre)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire