dimanche 19 mars 2006

Une petite histoire qui m’est arrivée lundi dernier.

Je l’ai intitulée « Être super héros n'est pas toujours de tout repos, mais ça a quand même de bons côtés. »

Or donc lundi après-midi, j’envoyais des CVs après un cinglant et stupide refus essuyé plus tôt dans la journée, quand soudain, vers 17 heures le téléphone sonna, c'était Adrianna et après quelques minutes de conversation, nous dûmes nous interrompre car.... Dr Z. avait besoin de moi (il y en a qui ont le Professeur X, moi j'ai le Dr. Z. et croyez moi, j'y gagne au change (un indice: le Dr Z est rousse)) ! C'était une urgence.
Et d'ailleurs si hier vers 17h20, les Parisiens ici présents ont vu un énorme B de feu dans le ciel entouré de cercles concentriques rouge, blanc et bleu, c'était pour moi.

Je mis donc mon Boogacostume et sautai dans le Boogamétro (la Boogamobile étant garée à 600 kms de là), et quelques minutes plus tard, je bondissais dans le Louvre.
La situation était la suivante: une étudiante fraîchement arrivée de Floride pour passer la semaine à Paris au Centre de Recherche de University of Florida s'était grièvement blessée au genou dans le Musée. Maureen T (la célèbre acolyte du Dr Z.) ne pouvant laisser ni la blessée, ni les autres étudiants, seuls, la tâche qui m'incomba fut donc la suivante : m'occuper de la blessée (que nous appellerons désormais Andrea).
J'appelais donc les Boogapompiers qui accoururent à bord de leur Boogacamion rouge (donc si les Parisiens ont vu des pompiers avec un surhomme portant dans ses bras une demoiselle en détresse lundi dernier, au Louvre, c’était moi), et nous emmenâmes Andrea à l'hôpital Cochin. (Pourquoi à l’hôpital Cochin ? si je vous le dis, je serai obligé de vous tuer ensuite)

Et c'est là que j'ai découvert la joie des hôpitaux parisiens. Nous y avons passé plus de 4 heures, pour y faire seulement une radio et une consultation (la blessure était en fait les séquelles d'un vieux truc se réveillant, je vous passe les détails de nature médicale et donc couverts par le secret du même nom), et c’était même pas bondé.
Néanmoins, cours de ces quatre heures, je pus mieux faire connaissance avec la victime.
Je vous passe ses détails autobiographiques (naissance en Roumanie, fuite du communisme et de Ceausescu vers les US (à moins que son père ne soit en fait un ancien agent du KGB, le doute persiste) quand elle avait deux ans, puis vie floridienne typique à base de plage, de fêtes et choses du genre) pour vous parler un peu en avant de son physique.
Elle est ce que les esthètes appellent: « un gros canon à tomber par terre, à rendre un gay hétéro (ou au moins bi), une hétéro lesbienne (ou au moins bi) et un prêtre défroqué. »
Elle me semblait aussi vaguement familière, mais après tout ce genre de personnes fut mon lot quotidien pendant 5 ans.
Puis à 22H00, enfin sortis de l'hôpital, il fallut trouver une pharmacie ouverte pour se procurer des béquilles (parce que l'hôpital n'en fournissait pas (note pour plus tard: ne jamais tomber très malade ou se blesser à Paris.... jamais....)). Et ce fut assez cocasse. Je la pris dans mes bras et commençai à m'envoler, mais.... Paris de nuit vue de haut, c’est très beau, mais c'est pas facile de trouver une pharmacie ouverte à cette hauteur.
Nous dûmes donc nous résoudre à prendre un Boogataxi qui nous emmena à St-Michel (au passage, c'était bien le bordel à la Sorbonne, mais c'est une toute autre histoire), où selon le type de l'accueil des urgences, il y avait une pharmacie de nuit.
Oui, il y en a une... Sauf qu'elle ferme à 21 heures... Mais bon, dans une métropole où les métros s'arrêtent de circuler avant 1 heure du matin, je suppose qu'une pharmacie de nuit qui ferme à 21 heures c'est normal (note pour ceux qui savent pas : aux US, les pharmacies sont presque toutes ouvertes 24/24 (c'est pour ça que dans les films des fois, ils y vont la nuit (cf. Natural Born Killers par exemple)).
Après quelques coups de fils à mes contacts, et après l'appel d'un autre Boogataxi, nous en trouvâmes enfin une du côté des Halles (24, bvd de Sebastopol, pour si un jour vous en avez besoin).
Celui-là de taxi on le fit attendre (c'est bien de prendre le taxi quand on paie pas, j’ai bien sûr facturé tout ça comme frais de mission), et je revins bientôt avec les saintes béquilles et quelques analgésiques eux aussi bienvenus (et prescrits par le médecin).
Ensuite, direction Rue Lecourbe où se trouvait son hôtel (ça aurait pu être très romantique ce petit trajet en taxi sur les quais de Seine, devant les Invalides, avec la Tour Eiffel au loin et tout ça de nuit, mais un super héros ne drague jamais pendant le service).
D'ailleurs, je vous passe la fin de l'histoire à l'hôtel.

Plus tard, je sus enfin pourquoi elle me semblait si familière. Ceux qui auront répondu « c’est parce que c’est une ancienne conquête que j’avais oubliée » sont certes bien intentionnés, mais sachez que je n’oublie jamais une ancienne conquête.
Non, il s'agissait tout simplement de cette fille qui squattait mon café dans le temps à Gainesville (genre le café où je passais tout mon temps entre les cours, j’y recevais même mes étudiants de temps en temps), et que j'avais classée dans les 5 filles les plus belles du monde, mais avec qui je n’avais malheureusement jamais fait connaissance à l’époque.

Et oui, ma vie est ainsi faite que les coïncidences improbables de ce genre me tombent dessus si fréquemment, que cela ne me surprend même plus (après tout c’est l’un de mes super pouvoirs.).


À part ça, c’est vrai que les situations de crise permettent de créer des liens rapidement.

vendredi 10 mars 2006

Et c'est un dangereux gauchiste révolutionnaire qui vous le raconte...

Or donc, je me baladais dans le 6e (rue St-André-des-Arts tout ça) et arrivé au boulevard St-Germain, il y avait un embouteillage monstre (or ce n’était pas encore l’heure pour ça.) et en fait, les flics détournaient la circulation pour empêcher les voitures d’aller vers le boulevard St-Michel. Donc bien sûr, c’est par là que je me suis dirigé pour voir de quoi il en retournait.

Et je tombai sur un sit-in d’une grosse centaine d’étudiants (plus deux autres grosses centaines (à vue de nez) debout autour d’eux. Vu que la Sorbonne est occupée depuis deux jours à cause des manifs anti-CPE, je me suis douté que c’était forcément lié. Effectivement, ça l’était.

Pour ceux qui ne connaissent pas Paris, voici des petites cartes pour vous aider à suivre mon récit (merci Google Earth) :




Ici, vous pouvez voir la Sorbonne (le rectangle mauve), le boulevard St-Michel (horizontal sur la carte) et le boulevard St-Germain (vertical).


Je pris trois photos (que je posterai plus tard, mais elles ne sont pas très réussies, et continuai de vaquer à mes occupations. Toutefois, la curiosité fut plus forte et bientôt je retournai sur les lieux de la chose pour en voir les développements éventuels.

Bientôt l’un des meneurs (le seul avec un mégaphone) annonce : « Bon, on est là pour aller à la Sorbonne, alors… À la Sorbonne ! » (presque sur des airs de « À la Bastille ! » millésime 1789. La crédibilité en moins).

Et c’est là que tout part en couilles. Pour « prendre » la Sorbonne (surtout qu’il n’y avait encore à ce moment-là qu’un nombre assez réduit de policiers dans le quartier (ils en avaient quand même attiré un certain nombre avec leur petit happening, et d’autres étaient en poste aux alentours de la Sorbonne depuis deux jours). La meilleure des façons d’entrer dans l’université aurait été de remonter le boulevard St-Michel, occuper la place de la Sorbonne, et la rue de la Sorbonne et entrer dans le bâtiment par la porte principale (où il y a toutefois des travaux en ce moment). Une fois la place occupée, ça peut certes faire cul-de-sac, mais si le but est d’entrer dans la Sorbonne, c’est justement le meilleur moyen de ne pas être délogé.)

Mais non, à la place, ils ont décidé de passer par le boulevard St-Germain, puis la rue St-Jacques, puis la rue des Écoles pour essayer de remonter la rue de la Sorbonne en provenance de la rue des Écoles.
En regardant sur le plan ci-dessous (c’est le trajet rouge), vous comprendrez l’imbécillité d’un tel parcours, dont la seule utilité et d’aider la police à se positionner, et aux renforts à se préparer et à arriver, vu la perte de temps que cela occasionne au passage.




Et bien évidemment, le temps de faire ce détour, la rue de la Sorbonne était totalement cadenassée par la police, plus aucun moyen d’y entrer d’aucun côté. S’il est facile pour des manifestants de faire des barricades dans une rue étroite, imaginez à quel point c’est encore plus facile pour la police qui dispose de barrières, de camions, et boucliers et de matraques.
Dès cet instant, la « Prise de la Sorbonne » fut perdue, le 10 mars 2006 n’entrerait jamais dans l’histoire. Et comble de la chose, les manifestants ne s’en rendirent même pas compte.

Car que firent-ils alors ?
Je rappelle qu’à ce moment il était encore envisageable d’occuper la place de la Sorbonne, et même d’utiliser les échafaudages du chantier pour en faire des barricades si le besoin s’en faisait sentir.
Et bien non, à la place, ils décidèrent de se rendre rue St-Jacques pour essayer de forcer l’une des portes donnant sur cette rue.

Et voila ce que ça donne une manifestation organisée par des jeunes qui préfèrent jouer à la Playstation plutôt que d’apprendre leur Histoire. Ça fait connerie sur connerie.

Petit intermède historique donc :
Et pourquoi le Baron Haussmann a fait creuser de grandes artères dans Paris ?
Si vous répondez : « pour rendre Paris plus jolie », vous avez tout faux.
La bonne réponse était bien sûr double :
Après maintes révoltes menées avec succès au cours des années précédentes, le Baron fit tracer ces grands axes parce que :
-S’il est très facile de monter des barricades dans une petite rue étroite, c’est presque impossible dans une grande rue bien large.
-Plus la rue est large, plus un grand nombre de forces de maintien de l’ordre peuvent arriver plus rapidement pour mater la dite révolte.

Et ces règles de guérilla urbaine sont toujours valables aujourd’hui, même s’il s’agit d’une manifestation pacifique (mais illégale).

Bref pour essayer d’entrer dans la Sorbonne, la plus mauvaise idée que l’on puisse avoir c’est d’aller rue St-Jacques.

Et pourtant c’est là que le reste des opérations se déroula.

Là, il y a un petit trou dans mon récit car je dus m’éloigner temporairement (rue Valette, puis rue Cujas) pour pouvoir me retrouver en amont de la manifestation, en haut de la rue St-Jacques.
(oui, si je savais qui était où, c’est parce que je faisais beaucoup d’allées et retour dans les rues du quartier).

Pendant mon absence des lieux de l’action, le contingent étudiant alla du point 1 au point 2 sur la carte suivante :




Quand j’arrivai au carrefour de la rue Cujas et de la rue St-Jacques, une brèche dans la Sorbonne était formée (une fenêtre ouverte je crois), et certains arrivaient à entrer. Mais à un rythme bien trop lent pour que cela ait une quelconque efficacité.
Et pendant ce temps, les forces de l’ordre avaient eu le temps de se mettre en position.
En aval de la rue St-Jacques, maintenant bloquée, et dans la rue Cujas (côté Sorbonne) encore plus infranchissable.
Il y avait des travaux au croisement de la rue St-Jacques et de la rue Soufflot, certains manifestants en prirent les tôles pour bloquer la rue Cujas eux aussi. Pour quelle raison ? Je ne sais pas trop. Je crois par peur d’une charge des CRS stationnés dans la rue. Ce qui prouve une fois de plus qu’ils n’avaient rien compris à la situation. Les CRS bloquaient la rue pour qu’elle soit infranchissable, pas pour foncer sur les étudiants. Sinon ils ne se seraient pas postés là où ils étaient (aux croisements de la rue Toullier et de la rue V. Cousin), mais au bord de la rue St-Jacques et dans la rue Soufflot. On peut d’ailleurs noter que cette dernière rue était vide des représentants des forces de l’ordre (a l’exception de quelques cars vides gardés par quelques agents).
Ceci en dit très long sur leurs intentions purement défensive.
Les choses en auraient été autrement, il leur aurait suffit de coincer les manifestants en sandwich dans la rue St-Jacques et se livrer à des arrestations massives.
(J’ai déjà vu ça dans une manif à Washington… Assez impressionnant. Surtout qu’à une rue près, j’y passai aussi. Mais c’est une autre histoire. Et il est vrai que les arrestations sont extrêmement rares dans les manifestations en France, même les illégales.)




En fait, en aval de la rue St-Jacques, il ne s’agissait pas de CRS, mais de gendarmes mobiles. Et leur première fausse charge montra le manque de préparation et de connaissance de l’activité (manifester donc) des étudiants. Ce fut la débandade, si bien que tous les manifestants reculèrent d’une bonne cinquantaine de mètres, jusqu’au carrefour de la rue Cujas (ils étaient plus bas avant ça, a peu près au milieu de la Sorbonne). Alors que dans un cas pareil, quand la manifestation est calme et sans violence, la première charge (et même souvent la deuxième, voire la troisième) est une fausse charge. Pour faire peur aux manifestants et les faire reculer, juste là où l’on veut. D’ailleurs au cours de mes allées et venues, je n’ai pas repéré un seul lance-grenades (lacrymogènes) parmi les forces de l’ordre. (ça doit être parce que quelqu’un d’autre est aux commandes Place Beauvau pendant que Sarkozy est aux Antilles).

Après cette charge, la rue St-Jacques fut perdue en grande partie avec impossibilité de la récupérer, le mur de gendarmes étant suivi de deux murs de camions. (Haussmann, tout ça…)

Les manifestants étaient donc plus ou moins coincés là, avec même une porte de sortie vers la rue Soufflot (je n’insisterai jamais assez sur la gentillesse des forces de l’ordre dans ce cas précis, associée à l’ineptie des manifestants).

Et puis dans une manif, qui est la meilleure amie des flics ?
La pluie bien sûr !
Et elle arriva à point nommé, dispersant un certain nombre d’étudiants.
Et là, j'ai vu le truc le plus hallucinant (comme si le ratage de la rue de la Sorbonne et puis le choix d’envahir la rue St-Jacques n’étaient pas assez pathétiques comme ça) : les manifestants décidèrent enfin de se rendre place de la Sorbonne, en passant par la rue Soufflot.
Sauf qu'organisés comme ils l’étaient (on dit souvent que les manifestations d'étudiants sont manipulées par des agitateurs... je peux vous confirmer que pas celle-la... En fait, ils en auraient peut-être eu besoin), il dut y avoir un manque de communication ou je ne sais quoi, et seule la moitié environ du groupe (déjà diminué par la pluie) partit vers la Place, l'autre voulant continuer à occuper la rue St-Jacques et faire face aux gendarmes. (c’est les pointillés dans ma carte précédente.)

Deux petits groupes pour occuper des lieux, deux heures après que la police ait eu le temps de tout bien museler le quartier comme il faut... Je dois avouer que c’est du grand art...

Tellement du grand art, que je quittai les lieux à ce moment-là, mon amusement de la situation n’arrivant plus à compenser mon atterrement devant ces idiots.


Et rentré chez moi, j’apprenais le fin mot de l’histoire.
Cette tentative d’invasion de la Sorbonne était motivé par la volonté d’apporter de la nourriture à ceux qui l’occupent depuis plus de 24 heures maintenant et qui sont affamés, tous les distributeurs automatiques ayant étant certainement vidés.
Car voyez-vous, alors que je me gaussais de manifestants qui feraient honte à leurs grands-oncles soixante-huitards, d’autres étudiants avaient décidé de tenir un siège à la Sorbonne, sans avoir pris de nourriture (ni rien d’autres je présuppose).

Mais comment peut-on être aussi con ?

Sérieusement, quand je vois pas mal de ressortissants de cette génération (et surtout quand je les compare à leurs confrères américains du même âge), je me dis que le CPE c’est trop bien pour eux en fait, ils ne le méritent même pas.